Hum... Je suis toujours enfermée dans la Tour des Cieux, où je travaille depuis de longues heures noyée sous une montagne de paperasse... Mais assez parlé de moi, le spectacle doit continuer !
Bonjour, chers aventuriers ! Comme vous le savez sans doutaru, je m’appelle Kupipi, et je serai votre maîtresse de cérémonie pour ce concours qui est des plus mignons !
L’événement d’aujourd’hui vous est proposé par les généreux membres de l’Académie de magie de Jeuno. « Nous faisons rimer académique avec magique ! »
Bien que ce concours ait pour but de déterminer laquelle est la plus douce des plus adorables créatures de tout Vana’diel, les juges seront plus durs et sévères qu’un Tonberry en quête de vengeance. Ce n’est donc pas fait pour les petites natures !
Pourquoi se fatiguer à examiner autant de candidatures, toutes aussi valables les unes que les autres ? Parce que l’Académie considère qu’elle a encore du chemin à faire avant que sa magie de l’adjuration connaisse le succès qu’elle mérite.
(... Ou quelque chose dans ce genre-là). Je dois avouer que je ne prêtais pas trop attention à ce qui se disait à la réunion.
Et assurez-vous bien d’invoquer mon alter ego, hein, sinon je viendrai me glisser dans votre chambre pour vous arracher les yeux une fois que vous serez endormis !
Hé hé hé... Enfin bon, l’Académie est occupée à travailler sur des avancées intellectuelles ou je ne sais quoi, donc ils ont pris le plus bête... Je veux dire qu’ils ont mis le Tenshodo à la tête des festivités. Avec une telle organisation, on est sûrs d’avoir un super spectacle!
Bon, vu que tout commence aujourd’hui, je ferais mieux de me remettre au travail avant que le Tenshodo m’envoie discrètement loin d’ici parce que j’ai l’air d’une vieille épave.
Kupipi, la secrétaire de la Tour des cieux, ne put contenir sa joie en ouvrant les festivités.
« Que le rideau se lève sur le tout premier grand prix époustouflifiant d'adjuration de Vana’diel ! »
L’écho de sa voix résonna sur les madriers de la Taverne du Pont de Marbre dans le haut Jeuno, jusqu’à faire vibrer les tympans et les chopes du public. La foule se tenait silencieuse, attendant religieusement que l’événement tant attendu commence. Tous les regards étaient tournés vers leur hôtesse, dont la taille était inversement proportionnelle à la présence sur scène, et qui se tenait fièrement sur une estrade de fortune.
« Le Tenshodo m’a personnellement assuré que le choix des juges s’était fait de manière arbitraire et partiale. Pour commencer, nous avons le coursier déjanté du fameux zoologiste Chanoix... Atelloune ! Dis quelque chose à ces gens qui n’en ont rien à fiche, ma chère.
- J’espère que ce concours a une quelconque justification scientifique, car je ne voudrais pas m’être donné tout ce mal pour rien », dit-elle sans grand enthousiasme, tout en faisant une révérence de politesse.
« La suivante se nomme Brygid, tellement à la pointe de la mode à Bastok qu’elle se pique d’être la plus originale de tous !
- Bonjour, fervents admirateurs. Mon conseil pour vous ? Le bleu revient dans l’air du temps cette saison ! », proclama avec assurance ce petit bout de chou.
« Et le meilleur pour la fin, c’est ce vieux monsieur aux cheveux gr...
- Mais taisez-vous donc, je parie que ce vieux monsieur aux cheveux gris, comme vous dites, a fréquenté plus d’aventuriers que vous n’en verrez jamais. Vous savez, ce n’est pas la peine d’en rajouter quand vous faites les présentations.
- Mais si ! Que serait ce fabuleux spectacle de Jeuno sans un peu de décorum et d’exagération ?
- En tout cas, j’apprécierais que vous accélériez la cadence. J’ai un vrai travail qui m’attend, moi », râla Maat.
« Vous l’avez entendu. Que les jeux commencent ! »
Bien que Kupipi se soit sentie incapable d’élaborer après la saillie de Maat, une explication s’impose peut-être.
L’adjuration est bien sûr un type de magie, mais c’est une magie que tout aventurier peut manier ; elle n’est pas réservée à ceux qui maîtrisent les forces occultes. Cela dit, il y a tout de même quelques restrictions techniques à son utilisation. Il faut avoir un lien très fort avec le personnage célèbre en question pour en invoquer l’alter ego, afin de l’infuser des sentiments de confiance, d’affection et d’amitié que l’adjureur ressent. Sans ces attributs intangibles, un sort d’adjuration est aussi fragile qu’une bulle de savon et disparaît aussi vite qu’il est apparu.
Pour faire honneur à cette nouvelle magie et aux préceptes qu’elle défend, l’Académie a décidé d’organiser cette compétition, qui verra défiler les habitants les plus aimés de notre monde, et l’élection de « l’espèce la plus adorable de Vana’diel ».
Les concurrents, attirés par la rumeur d’une récompense conséquente pour le vainqueur et la promesse de gloire pour leur race, se sont rassemblés en nombre.
« Étant donné qu’aucune précaution n’a été prise pour nous assurer de la qualité du jury, j’espère sincèrement qu’ils ne suivront pas cet exemple lors de leurs délibérations ! »
Cette remarque un tantinet moqueuse de Kupipi contrastait avec l’atmosphère habituellement formelle d’une compétition, mais peut-être était-ce approprié, compte tenu de la nature détendue de celle-ci.
Sans plus de cérémonie, les résultats du tirage au sort, calligraphiés sur un parchemin Extrême-Orient, furent affichés sur le mur. Le comportement des membres du jury et des organisateurs s’était peut-être avéré quelque peu indolent, mais la solennité caractéristique des rites traditionnels était indéniable.
Premier match : moogles contre mandragores
Deuxième match : sabotenders contre leafkins
Troisième match : qiqirnq contre goblins
Quatrième match : chocobos contre crabes
Suivant les instructions du superbe parchemin ornemental, un représentant de chaque race, moogle et mandragore, monta sur scène. Bien qu’il soit généralement de mise qu’un seul individu se batte au nom de son clan, une légère entorse au règlement fut tout de même faite en faveur des mandragores : deux d’entre elles prirent place. Leur nom ? Ake et Ome, probablement les plus connues de leur espèce puisqu’elles ont aussi pour rôle de prendre la tête de la procession du Nouvel An avec son hérault bestial historique. Leur sens de la mode et leur flamboyance leur valaient visiblement un certain soutien, à en croire les sifflements approbateurs de la foule à l’apparition de leurs têtes décorées d’un orange vif.
« Elles sont à croquer ! Allez les mandragores ! »
La popularité du duo floral était telle que même l’hôtesse de la cérémonie elle-même ne pouvait cacher sa préférence.
« Prêtez oreille un instant avant que les votes ne soient comptabilisés, kupo », demanda le candidat des moogles, tentant de se faire entendre par-dessus la fanfare des mandragores.
« Ne me dites pas que vous allez vous plaindre ! »
« Ma seule réclamation, c’est que vous réfléchissiez à ce que je vais vous dire : est-il juste de donner un alter ego aux mandragores, seraient-elles assez dignes lors de leurs pérégrinations sur le sable brûlant du Désert d’Altepa et des Dunes de Vakurm ? J’en doute, kupo ! »
« Il marque un point, là. Les variations de saison là-bas ne sont pas très adaptées à leur tenue. », acquiesça Brygid.
Les mots de Brygid firent forte impression sur les deux autres juges, car les moogles gagnèrent à l’unanimité, et il ne restait plus aux mandragores qu’à chercher de plus vertes pâtures pour y prendre racine.
Ainsi arriva la deuxième rencontre : sabotenders contre leafkins. Comme les leafkins sont muets, une Mithra venue tout droit des îles du sud vint plaider leur cause. Le sabotender, tout aussi peu loquace, se contentait de se balancer d’avant en arrière. La Mithra, quant à elle, en faisait un poil trop pour vanter les mérites du leafkin et exposer les raisons pour lesquelles il était bien plus digne de gagner que les autres compétiteurs.
« Si j’avais voulu écouter un truc aussi long et ennuyeux, je serais partie écouter les scribes de la Tour des cieux réciter l’inventaire de leurs fournitures. »
« Ouais, je suis sur le point de m’endormir avec ce baratin... »
- Mais... Il a... disparu ! Comme ça, sans prévenir ? » couina Kupipi alors que le sabotender s’évanouissait dans un nuage de fumée.
« C’est la vie », dit d’un ton détaché Atelloune. « Les dresseurs ne peuvent laisser leur sabotender se promener sans surveillance trop longtemps. »
Pendant ce temps, en coulisse, le propriétaire du sabotender en fuite se mordait les lèvres, plein d’appréhension devant une défaite annoncée. Avec la disparition de son adversaire, le leafkin gagna effectivement par défaut, avec en prime une avance confortable dans son prochain affrontement.
« Malgré tant de préparatifs, mon discours n’aura servi à rien », soupira le représentant des leafkins.
Le troisième duel allait voir s’opposer deux factions des hommes-bêtes. Par un étrange hasard, les représentants des qiqirns et des goblins choisirent l’un comme l’autre de sortir de leur poche une énorme boule remplie de poudre au même moment.
« Non ! Ne faites pas ça, pauvres foux, vous allez tous nous réduire en cendres ! »
« Buburoon va faire boum ! Et il va récupérer plein de trucs de son grand boum. »
« Vous voir, notre bombe gobline faire briller les étoiles dans les yeux des gens. Et on gagne. »
« De voir deux espèces si différentes arriver à la même conclusion avec des raisonnements différents... Ça, c’est de la science ! On pourrait même trouver d’où vient leur fascination pour les explosifs ! », dit une Atelloune visiblement enthousiaste.
Kupipi n’eut pas l’air convaincue, par contre, et répondit du tac au tac : « C’était censé se passer comme sur des roulettes, pas nous éclater au visage !
- Tiens, on dirait que je finis ma sieste pile au bon moment ! » tonna Maat. Il se leva tranquillement de son siège, monta sur scène et d’un coup de pied négligemment lancé, envoya les bombes voler par la fenêtre juste avant qu’elles n’explosent. Par chance, l’onde de choc ne fit que secouer légèrement la taverne, qui ne prit heureusement pas feu.
Kupipi se fit l’écho de l’inquiétude du public tout entier en criant : « Mais où est notre précieuse Sakura ? Elle ne peut pas s’être enfuie. Non, ce serait une imprudence, une erreur ! »
Vu la réaction du jury lors de sa précédente apparition, aucune personne présente n’aurait parié sur sa défaite.
« Elle a peut-être mal compris ce que "voter avec ses pieds" veut dire ? Tant pis, je dois déclarer le goblin vainqueur ! Oh non, encore une bombe !
- Celle-ci différente. Exprès pour victoire. Jette plein de lumière rouge dans le ciel.
- Que quelqu’un l’arrête !
- Un héros ne se repose jamais. »
Et d’un coup de pied bien placé, l’explosif passa par la fenêtre et s’envola vers le ciel pour l’éclairer de mille feux.
« Bizarre, ça aurait dû être rouge et torrentiel, pas un gros boum.
- La ferme !
- Bien, j’imagine que ça veut dire que les moogles vont affronter les goblins pour gagner la première place, et qu’on va pouvoir appeler ça... attention les oreilles... une bataille de moblins ! Hum. »
Kupipi se tourna alors vers les juges pour leur demander leur avis sur le tournant inattendu qu’avait pris la compétition, et constata une chose étrange.
« Brygid ? Ça va ? »
La juge d’honneur répondit aux abonnés absents, comme elle faisait une sieste impromptue.
« Allez debout, faut se réveiller, sinon... », menaça la maîtresse de cérémonie en secouant légèrement l’épaule de la jeune fille, mais sans résultat. Brygid était hors concours. De désespoir, Kupipi se tourna vers Maat, pour s’apercevoir qu’il n’était pas à sa place.
« Atelloune, où est-ce que ce sacré Maat est encore passé ?
- Il est parti. L’appel de l’entraînement, ou un truc comme ça.
- Quoi ?! »
Par la fenêtre du Pont de Marbre, on voyait clairement la pénombre du soir envahir Jeuno, ce qui voulait dire qu’il allait falloir allumer les chandelles assez vite. Malheureusement, le planning chargé de la taverne et les limitations sur la clientèle avaient empêché qu’on loue l'endroit pour plus d’un jour. Kupipi allait devoir agir sans tarder.
« Désolée, mais nous allons devoir reporter la finale à un autre j... »
Du coin de l’œil, elle vit qu’un machiniste lui faisait signe. Après avoir écouté ce qu’il avait à dire, elle revint sur scène pour annoncer à la foule la suite des événements.
« Aventuriers, faites briller vos armures et vos armes, car vous allez faire partie intégrante de la grande finale ! »
Une fois son annonce terminée, elle trouva encore l’énergie de pousser un soupir de déception.
Cela ne fait qu’un jour que je l’ai quitté, et mon bureau de la Tour des cieux me manque déjà. Au moins, là-bas, je peux goûter à toutes les bonnes choses que nous ramènent les aventuriers de leurs voyages.
Pourtant, cette attitude défaitiste ne dura pas bien longtemps. La Tarutaru restait dévouée à sa mission et elle n’allait pas abandonner si près du but. Dans un dernier effort, elle inspira un grand coup et récita son discours de clôture.
« Qui sortira vainqueur, qui sera la référence ultime des fans de tout ce qui est mignon dans Vana’diel ? Peut-être ces adorables petits moogles à la fourrure aussi blanche et pure que la neige fraîche et au discours plus subtil que celui du plus érudit des savants ? Ou alors les goblins et leurs grandes oreilles, leurs sacs trop grands pour eux et leur attitude un peu rugueuse ? Quoi qu’il en soit, j’espère que tout ceci aura au moins servi à resserrer les liens avec ceux qui vous entourent. Et surtout, n’oubliez pas de garder foi en l’adjuration ! »
Récit : Miyabi Hasegawa Illustration : Mitsuhiro Arita |
Pour en savoir plus sur la finale du 1er grand prix époustouflifiant d'adjuration, cliquez ici.